Le plan Marshall

Le Plan Marshall pour l’identité kanak vise, avant tout, à donner plus de moyens aux Coutumiers, dans leur actions au sein de la société kanak

Tout est parti d’un triste constat : « le peuple kanak est un peuple sinistré ». Dès le 1er février 2016, à la veille de la tenue de l’un des Comités des signataires à Paris, Gilbert Téin, président du Sénat coutumier, tirait, ainsi, « la sonnette d’alarme ».
Le Sénat coutumier soulignait, de ce fait, que les politiques, soucieux d’avenir institutionnel et d’économie, semblaient oublier les questions de société pour lesquelles tant restait à faire.
Pour le Sénat, le bilan demeure alarmant : « Le peuple kanak, sa jeunesse et ses forces vives sont victimes de la mondialisation et du libéralisme économique exacerbé imposé depuis quinze ans, du mode de consommation, d’un système éducatif inadapté et de l’individualisme. » Parmi les problèmes pointés du doigt : la surreprésentation des Kanak au Camp Est (plus de 90% des détenus), 20 % d’illettrés et de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, une déscolarisation massive, le développement, avec les revenus monétaires, des conflits et de la consommation d’alcool et de cannabis, l’exode rural (78% des élèves sont scolarisés en province sud), les Squats, le chômage… »
Des sujets qui représentent, aux yeux des sénateurs, « l’envers du décor » de la gestion institutionnelle du pays.

Partant de ce constat et souvent interpellés, les coutumiers ont proposé une réponse concrète : un « plan Marshall », conçu comme un plan de rattrapage au profit de la société kanak et qui vise l’établissement d’un nouveau projet de société respectant pleinement les droits du peuple autochtone kanak.
Ainsi que le précisait Gilbert Téin : « A deux ans du terme de l’accord de Nouméa, un seul mot d’ordre, nous préoccupe : quelle est la place de la coutume et celle des autorités coutumières dans l’organisation de la société contemporaine ? Et quelles politiques publiques en faveur de l’Identité kanak ? »
Parmi les actions prévues au titre de ce Plan, on peut citer le renforcement de l’apprentissage des langues kanak dès le plus jeune âge, la restructuration des chefferies et des clans, le renforcement de la politique mémorielle, ainsi que l’aménagement et la gestion des terres coutumières.


Trois grands axes ont ainsi été définis :

  • Repositionner les tribus, les districts et les terres coutumières en tant que ESPACE VIVANT et PRODUCTIF DE LA SOCIETE KANAK, porteur du patrimoine historique sociétal autochtone dans la société contemporaine ;
  • L’enseignement, la formation et la culture, lieux d’expression et de transmission de la coutume et des valeurs de la société kanak ;
  • Le lien à la terre, l’aménagement et le développement des terres coutumières, facteurs de cohésion, de stabilité et de vision concerté de l’avenir.

Ce projet pourrait s’inscrire dans un nouveau contrat de plan (2017 à 2020) listant les politiques publiques urgentes à mettre en œuvre, et dont les modalités précises restent encore à définir.

Restructuration des chefferies et des clans

Le « plan Marshall pour sauver la société kanak » comporte, en premier lieu, un important volet « restructuration des chefferies et des clans » pour donner davantage de moyens aux coutumiers en tribu. La plupart étant bénévoles, le Sénat souhaiterait voir former des « secrétaires généraux pour les districts et les chefferies », « des assesseurs coutumiers et des médiateurs ». Pour gérer les problèmes de sécurité, le Sénat suggère de créer, sur dix ans, « un service d’ordre coutumier dans toutes les chefferies et les districts coutumiers ». Mais également davantage de moyens, pas seulement communaux, pour équiper les tribus.
Concernant ce point, le document précise ainsi :
« Restructuration des chefferies et des clans : cela devient un impératif urgent si l’on veut éviter l’exode rural et conforter la volonté de vivre et de faire de l’auto développement sur les terres coutumières

  • La formation de secrétaires généraux pour les districts et les chefferies, la formation des assesseurs coutumiers et de médiateurs pour la résolution de conflits en milieu coutumier.
  • L’équipement des tribus : il y a nécessité de mettre à niveau les équipements des tribus ce qui ne peut plus être confié aux communes seulement, mais s’inscrire dans un programme volontariste à partir d’un vrai contrat de plan.
  • L’adoption d’un plan sur 10 ans, de mise en place d’un service d’ordre coutumier dans toutes les chefferies et districts coutumiers. L’ordre public dans les communes de l’intérieur et des Iles se pose chaque jour avec plus d’acuités.
  • Le sénat coutumier propose qui y ait la création des antennes de Sécurité civile dans toutes les chefferies permettant la prise en charge par les autorités coutumières de la problématique de feux de brousse et de la montée des eaux.
  • La mise en place d’un secrétariat général totalement dédié aux affaires coutumières directement rattaché au président du gouvernement ainsi qu’au président du Sénat Coutumier. »


Education et formation
En matière d’éducation et de formation, le Plan prévoit « l’apprentissage de la langue maternelle dans le secteur de la petite enfance et des maternelles en tribu ». Ce programme comprend la formation d’enseignant en langue et cultures régionales et les moyens nécessaires à une prise en charge de ce programme.

Politique mémorielle
Dans le même esprit, la politique mémorielle est évoquée, en particulier sur la période 1853-1945 : « réhabilitation de la mémoire d’Ataï, de Noël, et d’une dizaine de dates historiques de la période 1853 à 1945..»

Jeunesse
Pour venir en aide à la jeunesse, le Sénat coutumier insiste aussi sur la mise en place urgente d’un service civil citoyen.

Aménagement et gestion des terres coutumières
Autre point important, « l’aménagement et la gestion des terres coutumières », pour permettre de « vrais schémas d’aménagement en tribu » et, par le développement, ralentir l’exode rural et maintenir le maillage social. Sur ce thème, le Sénat rappelle qu’ « un dossier avait été déposé officiellement en 2009 auprès de Monsieur le Haut-commissaire et auprès du gouvernement collégial proposant une méthode et des objectifs qui engageaient à la mise en place des cahiers fonciers des chefferies (dans l’accord de Nouméa, appellation retenue : cadastre coutumier). Il était question dans ce programme, de clarifier là où c’est nécessaire le lien coutumier à la terre, puis de travailler à l’analyse des besoins sur une échelle de 25 ans en concordance avec le potentiel foncier disponible dans chaque tribu ou district. L’objectif est d’aboutir à chaque fois en partant des conditions locales (les chefferies étant acteurs de ce processus), à la mise en place de vrais schémas d’aménagement. »
Une proposition, pour l’heure, restée lettre morte.

Après une période de présentation du Plan Marshall aux institutions françaises et calédoniennes : Congrès (lire le discours de Gilbert Téin devant le Congrès le 2 mars 2016), Gouvernement, Etat, Provinces et Associations de maires) ; et aux Conseils coutumiers des différentes aires, notamment lors de l’assemblée générale extraordinaire des huit pays, qui s’est tenue le 8 avril, au Sénat coutumier, à Nouville, l’heure est aujourd’hui à la mise en œuvre.
Le  Comité de pilotage (COPIL) du plan Marshall pour l'identité kanak tiendra sa première réunion prochainement.
Ce COPIL comprendra les principales institutions calédoniennes : le Sénat coutumier, à l'origine de cette initiative, ainsi que l'Etat et les collectivités publiques, établissements publics et organismes de la société civile.
Son rôle sera de suivre les réalisations du futur plan Marshall et de donner ses directives au COTEC (Comité technique) qui regroupera les directions techniques de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ainsi que des établissements publics dédiés à l’Identité kanak (l’Adraf, l’ADCK, l’ALK etc.) et qui sera chargé d'instruire les dossiers dans les domaines ciblés par le plan.
Dans le même temps, seront nommés des instructeurs de dossiers dans les trois domaines considérés, pour parvenir, d’ici le mois de juillet, à une synthèse avant formulation de la maquette du plan Marshall.

 

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Télécharger le document de présentation du Plan Marshall pour l’identité kanak.